MAMADOU : UN AN SANS TOI
Notre bonheur s’est construit comme une maison.L’amour et l’affection de nos parents
en ont constitués l’essentiel des agrégats. De ce soubassement, a surgi les poteaux qui constituent aujourd’hui, notre équilibre. Nous avons ainsi grandi, solides et pleins d’assurance. Aucun nuage ne semblait pouvoir ternir ce beau tableau. Nous étions neuf frères et sœurs, dotés de charmants parents.
Gâtés par la nature, on n’aurait jamais cru qu’elle nous lâcherait un jour.
Mais nous dûmes accepter la réalité, lorsque l’un après l’autre, père et mère quittèrent ce bas monde. Leur héritage affectif étant plus fort que tout, nous avons survécu en nous consolant par l’amour que nous pouvions donner les uns aux autres.
Et puis, ce maudit 12 janvier 2010, le destin nous arracha l’être si précieux que tu étais pour nous tous. Il y’a un an …. Déjà !
MAMADOU, je m’accroche à ton souvenir, comme le petit enfant s’agrippe aux jupons de sa maman, de peur qu’elle ne le quitte. Le moindre fait du passé, ravive ton existence.
Dans le désordre, il me revient des scènes qui resteront à jamais gravées dans ma
mémoire. Je te revois ce matin de novembre 2006, à ton domicile de GAITHERSBURG.
Réveillée un peu plus tôt ce jour, j’étais un peu tendue par ce premier départ qui déclenchait le compte à rebours d’une série de séparations.
Le mariage de MAHMOUD avait réussi le coup de force, de nous réunir tous les neuf, au même endroit. Ce miracle ne se reproduira plus jamais, malheureusement.
En me donnant au revoir, je fus saisi de la même émotion, comme à chaque fois que nous nous séparions. Je m’arrêtai au seuil de la porte, puis très vite, je pénétrai à l’intérieur de la maison, pour ne pas vivre ce moment cruel plus longtemps.
Quelques instants plus tard, n’entendant pas le véhicule démarrer, je levai discrètement les rideaux de la cuisine, face à la rue. MAHMOUD et toi étiez en pleine conversation. Le coffre de la voiture où vous veniez de mettre tes bagages, restait encore distraitement ouvert.
Concentré dans une longue conversation, vos éclats de rire, suivi de tapotements sur vos épaules respectives, m’ont donné l’impression que vous aviez oublié, le reste du monde. C’est la plus belle scène de complicité fraternelle qu’il m’ait été donné de voir. Cela me rendit heureuse. Enfin, les portières de la voiture claquèrent et le bruit du moteur me confirma votre départ.
Cette année là, tu avais exigé que je vienne passer mes vacances en compagnie de ton épouse et de ton bébé. JAFFAR avait quelques mois et tu étais le plus heureux des papas. Je te découvrais dans ton plus beau rôle. Ce petit être te tenait tant en haleine. Il suffisait que je le prenne, pour que tu me suives dans chaque pièce de la maison. Et lorsqu’il m’arrivait de le tenir, dans une position que tu ne trouvais pas «prudente», par pudeur, tu ne me faisais jamais la remarque. Impuissant, tu regardais ton bébé et lui disait «JAFFAR, fais attention à toi». Ce à quoi je répondais avec ne pointe d’humour: «JAFFAR, tu sais que ta tante est folle, donc fais attention à toi!»
Et nous riions tous les deux!
Oui, tu nous as couvert de ton amour, de ta tendresse et de ton affection, sans parcimonie. Comme si tu savais que cela ne durerait pas aussi longtemps que nous l’aurions souhaité.
Sans toi, la maison du bonheur a perdu beaucoup de son éclat. Chacun de tes frères et sœur essaie de surmonter la pente. Mais au beau milieu de notre ascension, un de tes souvenirs, nous rétrograde. Comme une grosse gifle reçue, nous caressons notre joue endolorie, quelques instants avant de continuer la remontée.
MAMADOU, Il y’a un an que tu nous a quitté. Mais nous essayons toujours de traîner nos vieilles habitudes.
- Nous avons mis du temps, avant d’effacer ton nom sur la liste de nos mails groupés. Mais le fait que tu ne répondes plus, nous a ramené à la dure réalité: TU N’ES PLUS DE NOTRE MONDE !
- Ton numéro de téléphone, n’est toujours pas effacé sur le répertoire de mon portable. La dernière fois que je l’ai composé, l’opératrice, m’a répondu ceci :
« Le numéro composé n’existe pas ». J’aurai préféré qu’elle me dise : « le numéro composé n’existe plus ». Si ce n’était pas une voix enregistrée, je lui aurai dit, qu’elle mentait. Comment peut elle affirmée que ce numéro par lequel tu m’a appelé mille et une fois, n’était pas réel?J’essaie de comprendre et soudain, je lui donne raison. Tu es parti avec ton téléphone. Cet outil miraculeux, qui me donnait l’impression qu’on était toujours ensemble. Tu l’utilisais tous les jours, pour prendre de nos nouvelles.
Maintenant, que tu es parti, à quoi peut-il bien servir ?
MAMADOU, tu diras à Nènè que depuis qu’elle nous a quitté, il y’a bientôt dix ans, je m’accroche à une très vieille petite camisole qu’elle aimait porter pour faire la cuisine. Je l’ai retrouvé dans ses affaires. Et chaque nuit, je la colle à mon oreiller, pour dormir. C’est ma façon de la sentir toujours près de moi.
MAMADOU, voilà un an que tu es parti et HAITI ne s’est toujours pas relevé de ses cendres. A la catastrophe du 12 Janvier, une série de malheurs s’est succédé. Le choléra a décimé beaucoup de gens, parmi la population. Le temps s’est comme arrêté, les sans abris occupent éternellement leurs tentes de fortune et à l’horizon, rien ne s’annonce. Je garde toujours une pensée pour les familles qui ont perdu leurs proches, dans cet évènement douloureux. La prière reste ma meilleure thérapie. Toutes les larmes de mon corps, ne t’auraient jamais fait revenir. Cette plaie ouverte, ne se refermera jamais. Chaque évènement familial, te rappellera à notre souvenir. Mais DIEU merci, ton fauteuil ne sera pas vide longtemps. Tu nous as laissé JAFFAR, qui saura si bien te représenter.
MAMADOU, tu confias à MAUD, ta collègue ivoirienne, ton intention de faire le pèlerinage, en 2010. Et bien, c’est fait . Tu es un beau et respectable EL HADJ, désormais. Ton Hadj a été exceptionnel. Fait dans les meilleures conditions, avec des facilités extraordinaires. Tu as eu droit à une bonne prière de quatre rakats, devant la tombe du prophète MOHAMMED et de ses chers compagnons, OUMAR et ABOUBAKR (paix et salut d’Allah sur eux !), malgré la présence de dizaine de millions de pèlerins, qui visaient le même objectif ! Des femmes nigérianes, qui formaient un cordon d’amazones, au coin le plus prisé de la KAABA, dès qu’elles me virent arriver, levèrent les mains, afin que je pénètre dans leur cercle, et exécuter ma prière, pendant qu’elles me servaient de garde du corps. Comme si elles me connaissaient ! N’est-ce pas miraculeux ?
Et mon front, plusieurs frottés sur les murs de la maison sacrée ?
Grâce soit rendue à ALLAH, je le remercie de m’avoir accorder la chance de réaliser une de tes dernières volontés. Juste retour des choses, car tu avais promis m’emmener avec toi à la Mecque, l’année où tu partirais. Je crois que c’est ce qui est arrivé, comme ça.
MAMADOU, la foi guérit tous les maux. Je commence à me réconcilier avec la vie. J ’ai eu le courage de me rendre à un mariage, la semaine dernière. La nature reprend toujours le dessus, quelque soit l’épreuve endurée. C’est notre physique qui en ressent un coup. Mes cheveux devenus « poivre et sel » en disent long. C’est le résultat de beaucoup de coups encaissés. Je souris encore, lorsque je me remémore le jour où mon fils ALSENY me surpris assise sans foulard sur la tête. Choqué, il me dit : »Maman, mais tu commences à avoir des cheveux blancs ».En guise de réponse, j’éclatai de rire et lui répondit : «Alors, tu as intérêt à te dépêcher de terminer tes études et à t’en occuper »
MAMADOU, nous aurions tant souhaité que tu aies des cheveux blancs, des rides sur la peau, une vision approximative et une démarche nonchalante. Mais pour cela, il t’aurait fallu vivre plus de quarante quatre ans! Dans notre maison du bonheur, les portes et les volets de ta chambre ne seront jamais fermés. JAFFAR occupe désormais les lieux, puis un jour, ce sera le tour de tes petits enfants .Ainsi la chaîne ne sera jamais brisée.
MAMADOU, TU NOUS MANQUES TELLEMENT !!!!!!!!